05.05.12 à 05h00
Polémique Une saisie de chevaux sous haute tension
Hier après-midi, les services de la DDCSPP, des bénévoles de la SPA et d’un refuge pour animaux se sont rendus chez un propriétaire de chevaux, à Epinal, pour saisir une dizaine d’équidés mal alimentés. Sur place, ils ont également retrouvé le cadavre d’un cheval en décomposition.
Epinal
Il est 14 h 30 hier devant l’ancienne école d’agriculture de Razimont. Une cohorte de véhicules déboule devant les portes de l’établissement. Les responsables de l’unité « productions animales et environnement » de la DDCSPP (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations) sont mobilisés dans le cadre d’un arrêté préfectoral de retrait d’animaux sous l’autorité de la préfète. La personne concernée par cet arrêté n’est autre que Daniel Nurdin, un propriétaire, spécialisé dans la vente d’aliments pour chevaux.
Ce dernier stationne ses équidés dans cette structure. « Il s’agit-là d’une mise à l’abri que nous avons initiée. Nous allons dresser un PV qui sera transmis au Parquet », explique Brigitte Lux, directrice de la DDCSPP.
Cette procédure fait suite à une plainte déposée par la SPA pour des chevaux qui seraient mal nourris. Edith Quié, la directrice de la SPA, est d’ailleurs mobilisée pour la circonstance. « Cette plainte date de mai 2011, suite à des témoignages et des photos reçus, montrant des chevaux dans un piteux état », déclare la directrice de la SPA.
Le matin-même, le vétérinaire inspecteur des services de l’Etat s’était rendu sur les lieux et avait constaté que des animaux étaient sous-alimentés au regard de leur maigreur. Des constats suffisants pour que les services de la DDCSPP décident de lui retirer une jeune pouliche, 4 poneys, 2 poulains de 2 ans et 4 chevaux afin de les placer pendant trois mois dans un refuge de protection d’animaux géré par l’association « L’arche de Noé », basé à Ernolsheim, en Alsace. Sept membres de l’association sont présents sur le site. Un transporteur les accompagne pour amener les animaux à bon port.
« L’établissement est vétuste »
Mais en franchissant les portes de l’ancienne école, tous les bénévoles sont abasourdis par les conditions dans lesquelles vivent les chevaux. Hugues Lentz et Elise Wind, respectivement responsable et secrétaire du refuge alsacien, sont en colère : « Les animaux sont à l’image de la structure. Ces locaux ne sont pas adaptés pour recevoir des animaux. L’établissement est vétuste. » Elise Wind est scandalisée et pointe du doigt les parois d’un box : « Les chevaux ont tellement faim qu’ils s’attaquent au plâtre des murs et au polystyrène ! »
Soucieux du moindre détail, les bénévoles passent au peigne fin tous les locaux et les prés extérieurs. Pour eux, ce n’est guère reluisant : « Lesponeys sont très maigres. Ce soir, nous faisons venir un vétérinaire afin de consulter les animaux saisis. Ils souffrent d’anémie et de malnutrition. Ces prés, ce sont des paddocks de détente, mais certainement pas des parcs. Il n’y a pas assez d’herbe. »
Pendant que la saisie se poursuit, un vétérinaire praticien est appelé à la rescousse. Une ponette qui devait être emmenéene tient plus debout. Elle souffre de décompensation et ne pourra pas supporter le voyage. Elle est euthanasiée.
Un cheval mort en décomposition
On aurait pu penser que la coupe était pleine. Sauf que les acteurs de cette saisie ne sont pas encore au bout de leurs surprises. Une odeur pestilentielle règne aux abords du bâtiment principal. Intriguée, Elise Wind scrute toutes les salles. Et c’est en se rendant dans un étage inférieur qu’elle tombe sur le cadavre d’un cheval en décomposition. L’animal porte des marques de palan. Ce qui signifie qu’il ne pouvait plus tenir debout. Mais visiblement, le cheval ne souffre d’aucune trace de cruauté.
Pour les représentants des services de l’Etat, le contexte a évolué. « Cette découverte de cadavre passe sous l’autorité du procureur de la République », déclare Brigitte Lux. Deux officiers de police judiciaire se sont rendus sur place afin de faire un constat et faire le tour de tous les locaux en compagnie du propriétaire. Une suite sera sans doute donnée dans cette nouvelle affaire.
Daniel Nurdin ne comprend pas la situation. Il est même en colère, d’autant plus que le contrôle par les services de l’Etat est dorénavant renforcé. En d’autres termes, il devra prévenir la DDCSPP dès qu’il voudra bouger les animaux qui restent sous sa coupe (environ une douzaine de chevaux). Il est également dans l’obligation de les alimenter correctement et de les soigner.
« On me regarde comme si j’avais tué quelqu’un »
Entre Daniel Nurdin et Elise Wind, la tension est palpable. Ils se sont défiés du regard pendant un long moment avant de s’invectiver un court instant… « On me regarde comme si j’avais tué quelqu’un. Je ne compte pas me laisser faire même si à l’heure actuelle je suis un peu perdu », lâche le propriétaire toujours incrédule. On me reproche de sous alimenter mes chevaux mais vous pouvez constater qu’il y a du foin, de l’aliment. Ils disent que mes chevaux n’ont pas assez à manger mais alors, pourquoi y a-t-il autant de fumier ? Il y a ici six hectares, sauf que l’herbe n’a pas encore poussé à cette époque », affirme Daniel Nurdin qui n’esquive aucune question qui fâche. La ponette euthanasiée ? « Elle a fait un petit dans l’enveloppe il y a huit jours et elle ne s’en est pas remise. » Le cadavre ? « Ce cheval n’était pas trop bien. Je l’ai relevé une fois mais ça n’allait pas mieux. Cela fait un mois et demi qu’il est mort. J’ai appelé l’équarrisseur. J’ai composé un numéro vert basé à Besançon et j’ai laissé des messages. On m’a donné le jour de son passage mais pas l’heure. Il est venu deux fois mais à chaque fois j’étais absent faute de connaître l’horaire… Je ne suis pas de mauvaise foi et je ne veux rien cacher », lance Daniel Nurdin.
Même si ses chevaux sont désormais sous des cieux alsaciens, l’homme compte bien les récupérer. Mais au regard des constatations faites hier après-midi, rien n’est moins sûr. D’autant plus qu’il sera dorénavant surveillé de très très près… Sergio DE GOUVEIA